Anselm Kiefer d'aprés l'oeuvre de Paul Celan :
Dein goldenes Haar Margaret
Paul Celan
Accueil

Paul Celan est aujourd’hui considéré comme l’un des plus importants poètes de langue allemande de l’après-guerre. Né en Bucovine en 1920, il fait partie d’une communauté linguistique allemande où le judaïsme s’exprime en yiddish et où la majorité de la population parle le roumain. Poussé par son père, il fréquente une école juive où il apprend l’hébreu et finit sa scolarité dans un lycée allemand à Czernovitz. Au lendemain de la « Nuit de Cristal », le 10 novembre 1938, Celan arrive en France pour amorcer des études de médecine. Mais il retourne en Roumanie avec le début de la guerre. En juin 1942, les parents de Celan sont arrêtés dans leur maison et lui-même est envoyé une seconde fois dans un camp de travail forcé. Son père meurt de typhus et sa mère est tuée dans le camp de concentration de Michailowka.

Dès lors, la poésie de Celan restera imprégnée de mort et son souvenir hanté par la Shoah. L’allemand devient pour lui la langue du deuil qui évoque un monde réduit en cendres et la perte de ses parents. Comme il l’écrit lui-même dans une lettre de 1946 : « … je tiens à vous dire combien il est difficile pour un Juif d’écrire des poèmes en langue allemande. Quand mes poèmes paraîtront, ils aboutiront bien aussi en Allemagne et – permettez-moi d’évoquer cette chose terrible –, la main qui ouvrira mon livre aura peut-être serré la main de celui qui fut l’assassin de ma mère… Et pire encore pourrait arriver… Pourtant mon destin est celui-ci : d’avoir à écrire des poèmes en allemand. »

L’année 1942 -que Le Mémorial de la Shoah commémorera pendant toute l’année 2012- représente un tournant dans la vie du poète : la langue maternelle devient la langue mortelle. C’est au prix de l’exil qu’il peut encore écrire en allemand, qu’il peut encore s’exprimer dans une langue déformée par les nazis et chercher ses mots « du dedans de la langue-de-mort »
Entendre la voix de Paul Celan... ce sera la vocation de la lecture présentée par la Compagnie Roquetta, une lecture qui soulignera l’actualité du poète aussi bien dans le travail de mémoire que dans la création d’une « contre-langue ».

Paul Celan

Mémorial de la Shoah

Dramaturge : Katja Beckel

Avec
J.-C. Allais
Rainer Sievert
J.-P. Vigier

Musique : J.-P. Vigier

Todesfugue

Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends
wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts
wir trinken und trinken
wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng
Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt
der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland dein goldenes Haar Margarete
er schreibt es und tritt vor das Haus und es blitzen die Sterne 
er pfeift seine Rüden herbei
er pfeift seine Juden hervor läßt schaufeln ein Grab in der Erde
er befiehlt uns spielt auf nun zum Tanz (...)

Fugue de la mort

Lait noir de l’aube nous le buvons le soir
le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe où l’on n’est pas serré
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or

écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent
il siffle ses grand chiens
il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe
il nous commande allons jouer pour qu’on danse (...)

Todesfuge, Paul Celan, in Pavot et mémoire,
1952, Editions Gallimard, 1998.